Dans le cadre d’une opération de défiscalisation, un particulier conclut, par l’intermédiaire d’un agent immobilier, un contrat préliminaire de vente en l’état futur d’achèvement, qu’il finance intégralement au moyen d’un prêt. Par la suite, l’acquéreur se plaint d’un préjudice financier résultant d’une inadaptation de l’opération à sa situation personnelle et reproche à l’agent immobilier un manquement à son obligation de conseil. Il assigne en indemnisation le mandataire liquidateur de l’agence immobilière, ainsi que l’assureur de cette dernière.

La cour d’appel rejette le recours diligenté contre l’assureur de l’agent immobilier. Elle retient que la police d’assurance garantit l’assuré pour l’activité de « transactions immobilières », tandis que la prestation à l’origine du sinistre correspond à une activité différente, celle de conseil en investissement patrimonial.

L’acquéreur forme alors un pourvoi en cassation, au terme duquel l’arrêt d’appel est cassé. La Haute juridiction se fonde sur l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant l’activité d’agent immobilier, selon lequel l’activité de transaction immobilière renvoie au fait de prêter son concours, de manière habituelle, à des opérations portant sur la vente de biens immobiliers, y compris à titre accessoire. Il en résulte qu’à défaut de conditions particulières limitant la garantie, ou de clauses d’exclusion, une police d’assurance qui couvre une activité déclarée de « transaction immobilière », entrant dans le champ d’application de la loi du 2 janvier 1970, est susceptible de garantir la responsabilité de l’assuré pour des conseils délivrés à l’occasion d’une vente immobilière. Ce faisant, la Cour de cassation considère que la police d’assurance litigieuse couvre accessoirement l’activité de conseil en investissement et défiscalisation, et doit donc être mobilisée.

Ainsi, la Haute juridiction se livre à une appréciation extensive de l’activité de « transactions immobilières », que l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970 impose à l’agent immobilier de couvrir, par la souscription d’une police d’assurance responsabilité civile professionnelle. La Cour de cassation se réfère à l’article 1er de ladite loi, qui permet entre autres de considérer comme agent immobilier, celui dont l’intervention consiste à prêter son concours à une opération de vente portant sur le bien immobilier d’autrui, même seulement à titre accessoire. En l’espèce, l’agent immobilier avait été mandaté par le demandeur pour organiser le financement d’une opération de défiscalisation, impliquant la souscription d’une vente en l’état futur d’achèvement. Dans ces conditions, la Cour de cassation a logiquement considéré que l’agent immobilier avait prêté son concours à une opération entrant dans le champ d’application de la loi du 2 janvier 1970, qui était implicitement couverte par la police d’assurance.

Cet arrêt est relativement rigoureux pour l’assureur, dont la garantie avait été consentie en l’espèce pour l’activité de transaction immobilière strictement entendue. En réalité, celle-ci ne se limite pas à une mission d’entremise mais comprend également une mission de conseil, notamment juridique et fiscal, que l’assureur se trouve malgré lui contraint de garantir. En définitive, lorsqu’un assureur conclut une police de responsabilité obligatoire, il lui appartient d’appréhender de manière exhaustive l’activité professionnelle couverte, en tenant compte de l’ensemble des prestations qui lui sont accessoirement attachées, au sens de la loi, afin d’apprécier en pleine connaissance de cause le risque à assurer.

Cette décision constitue donc un revirement par rapport à un précédent arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2017 dans lequel il avait été jugé que l’activité de conseil en investissements, présentée comme accessoire à celles d’agent immobilier mais qui les excède quand bien même elle se rapporterait à une opération immobilière, n’entre pas dans le champ de la garantie souscrite auprès de la compagnie d’assurance de l’agent immobilier.