Paris raconté par ses rues : la Butte Bergeyre
J’ai évoqué le Parc des Buttes Chaumont dans mon livre « Paris oublié, raconté par ses rues » (éditions Favre), j’aurais pu, (dû ?) étendre mon propos à la Butte Bergeyre.
Elle en est une voisine « very next to kin ». Elle en a les mêmes origines et, pour tout, dire aurait bien mérité d’être incluse dans le périmètre du parc quand ce dernier fut « construit » (sur ce point, voir mon livre).
Surtout, pas d’impair : la butte bergère n’a rien à voir avec les moutons et les charmantes jeunes filles qui les gardent dans la chanson. D’ailleurs, à Paris, point de rue « des moutons », pas plus qu’on ne trouve une « rue des boucs » ou de « rue des Bœufs ». (en revanche, rue des tigres, des renards et des lions, ne serait-ce que pour accréditer l’idées que les Parisiens sont des prédateurs…).
Donc, ne faites pas la faute d’orthographe : la butte bergeyre, comporte un « y » ce qui la met à part des bergeries et des troupeaux bêlants.
En chemin vers la Butte, vous auriez senti un petit frisson révolutionnaire : c’est qu’en dessous de cette montagne de Paris, se trouve la place du général Fabien. On commence à l’oublier cette place. Et on a tort. Certes le parti communiste n’est quasiment plus qu’un fantôme, mais restent quelques magnifiques souvenirs parmi lesquels un des plus beaux bâtiments du Paris moderne : le siège du parti, dessiné par un des plus grands architectes du XXème siècle, Oscar Niemeyer. La pureté du dessin est exceptionnelle et, si vous n’avez pas programmé de visite à la Butte Bergeyre, mérite qu’on ne se déplace que pour lui.
Son accès n’est pas de la plus grande simplicité si vous venez en voiture : il faut prendre la rue Georges-Lardennois.
Pour les amateurs d’escaliers, je recommande, cette butte : comptez l’équivalent de sept à huit étages à gravir. Vous avez le choix : deux escaliers vous y conduisent, débutant, l’un avenue Simon-Bolivar et l’autre 17 de la rue Manin. Mais si vous n’y tenez pas, si l’alpinisme n’est pas votre tasse de thé, suivez le chemin rue qui dessert le petit labyrinthe des voies de la butte au bout de la rue des Chaufourniers.
La Butte Bergeyre est un Paris, hors de Paris, un monde élevé, tout à l’écart. Imaginez une sorte de falaise de gypse qui jaillirait du sol et s’élancerait droit à près d’une centaine de mètres au-dessus des rues parisiennes. Elle a été creusée sur le côté Butte Chaumont. Et ses flancs sont vraiment abruptes. Sur cette falaise, après moultes utilisations, une sorte de village a surgi qui domine Paris de très haut offrant une perspective impressionnante : le quartier de la Défense se découpe, clairement dans le lointain, alors qu’on se trouve quasiment sur la « Frontière » Est de la capitale.
Comme à Montmartre, comme dans le parc de Belleville, le jardin de la butte Bergeyre est agrémenté d’un vignoble, le « clos des Chaufourniers », rappelant les temps anciens quand l’ïle de France était plantée d’un vignoble réputé.
La Butte doit son nom à un joueur de Rugby, Robert Bergeyre, décédé à vingt ans lors de la Première Guerre mondiale en Aout 1914. Un stade de rugby et autres sports qui pouvait rassembler 15 000 spectateurs, y avait été construit et demeura en activité jusqu’au début des années 1920. Puis, la butte fut laissée aux promoteurs qui édifièrent sur des terrains peu sûrs (carrières de gypse essentiellement) tout une petite ville de maisons à deux étages, rarement plus, comme on en trouve dans le quartier de la Mouzaïa ou du côté de la Butte aux Cailles etc. A l’inverse de ces deux derniers, la Butte Bergeyre est un village « chic » : les constructions datent pour la plupart de l’entre-deux guerres et offrent un beau registre des styles élégants de l’époque. Les maisons y sont charmantes, couvertes de verdure, de couleurs gaies, les unes très petites, les autres plus imposantes. Les enfants jouent au ballon dans les rues qui ne servent qu’aux riverains et aux camions de livraison (indispensables car on ne trouve ici aucune boutique).
Quartier discret et élégant, une rue porte même le nom d’un banquier anglais ancien dirigeant de la Lloyds Bank, Monsieur Barrelet de Ricou !!!!( Wikipédia nous dit que l’homme était un résident suisse. Faisant partie de la Résistance, il aurait été arrêté en 1945). D’autres rues célèbrent la littérature, Edgar Poe, Remy de Gourmont etc… ce n’est pas des pentes de la butte Bergeyre que les insurgés « roulaient dans le ravin ».